40 ans / L'ACBD à Tokyo / Actualités / Prix Asie de la Critique ACBD

L’ACBD à Tokyo (5/5) : Conversation avec Yuki Urushibara, l’autrice de Mushishi

 
L’ACBD vous gâte ! À l’occasion des 40 ans de l’association, nous vous offrons une série d’entretiens exclusifs sur le thème de la revue culte Afternoon – berceau de Darwin’s Incident, le lauréat de notre 17ème Prix Asie. Dernier épisode.

Yuki Urushibara est la plus rare et la plus secrète des trois artistes qu’on a questionnés. Elle n’accorde que peu d’interviews et mène sa barque dans un coin paisible, loin de l’agitation de la capitale. La talentueuse mangaka a tout de même accepté de nous répondre par correspondance écrite, nous offrant ce qui constitue, à notre connaissance, son tout premier entretien avec un média occidental. Autrice résolument connectée à la nature, Yuki Urushibara a signé le classique Mushishi (éd. Kana), véritable pilier de la revue Afternoon dans les années 2000. Dans ce récit aux accents oniriques, le taciturne Ginko traque les « mushi » (littéralement : « insectes »), des organismes qui vivent dans le corps des humains, souvent à leurs dépens. On doit aussi à la mangaka le poético-nostalgique Underwater – Le Village immergé (éd. Ki-oon) ou le plus récent et plus urbain Flow (éd. Kana), qui prend pour sujet des phénomènes insolites déformant l’environnement. Après Shun Umezawa et Tsutomu Takahashi, rencontre avec un tout autre profil qui montre, une fois encore, l’infinie variété des signatures d’Afternoon.


Vous avez grandi au bord de la mer intérieure de Seto (on appelle son littoral « Seto’uchi » – NDLR). Cela vous a-t-il influencée artistiquement ?

Je ne sais pas si c’est parce que j’ai grandi à Seto’uchi, mais je me sens bien au bord de l’eau. D’ailleurs, quand je réfléchis aux histoires de mes mangas, j’ai l’impression d’avoir l’esprit revigoré en me rendant près de la mer ou d’une rivière. Je pars donc me promener le long de l’eau lorsque je me trouve dans une impasse créatrice.

Habitez-vous encore près de la mer ?

Je vis toujours au bord de la mer intérieure de Seto. En fait, lorsque j’étais en quête d’une maison, ma première condition était qu’elle ait une vue sur la mer. Cela m’a demandé pas mal de temps de recherche, mais j’aime pouvoir regarder la mer depuis mon espace de travail.

Cette région est réputée pour sa riche vie artistique et notamment pour la Triennale de Seto’uchi. Y êtes-vous déjà allée ?

Ça me fait plaisir de savoir que Seto’uchi est connue jusqu’à l’étranger. La nature y est belle et c’est un endroit paisible, où il fait bon vivre. Je ne suis jamais allée à ce festival d’art mais je me suis déjà rendue sur les îles de Naoshima et d’Inujima (situées dans la mer intérieure de Seto, ces îles abritent des pièces d’art contemporain et autres musées – NDLR). Ça m’a fait bizarre de voir surgir des œuvres d’art au milieu d’anciennes habitations. C’était intéressant, il s’agissait pour moi d’une nouvelle expérience.

L’île de Naoshima, située dans la mer intérieure de Seto, est constellée d’œuvres d’art. Ici, la Citrouille jaune de Yayoi Kusama.

Diriez-vous qu’il existe une connexion entre le monde japonais de l’Art et celui du manga ou qu’ils sont séparés, hiérarchisés ?

L’Art n’est pas encore très accessible, au Japon. Les mangas sont davantage répandus. Je pense que par le passé, l’Art était considéré comme noble et le manga comme une discipline de bas étage mais aujourd’hui, le manga me semble reconnu à sa juste valeur.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir mangaka ? Enfant, étiez-vous une grande lectrice ?

Depuis la petite enfance, j’ai toujours aimé dessiner. Et si j’ai voulu devenir mangaka, c’est parce que je n’avais pas envie de devenir employée de bureau. Je ne lis pas énormément, mais je pense que j’ai été influencée par ma passion pour les contes, qu’ils soient japonais ou du monde entier. Quand j’étais petite, mes parents faisaient en sorte que je ne lise pas trop de mangas, alors c’est seulement à partir du collège que j’ai commencé à beaucoup en lire. Je suis alors devenue quelque peu accro aux mangas que lisaient les garçons, comme Touch ou Captain Tsubasa (éd. Glénat pour les deux – NDLR).

Comment avez-vous accédé à la profession ? Avez-vous assisté un auteur, appris le manga dans une école…?

J’ai participé au prix des nouveaux talents d’Afternoon, que j’ai remporté, ce qui a débouché sur la parution d’une première œuvre. Je n’ai pas d’expérience en tant qu’assistante et à l’université, c’est le design que j’ai étudié.

Si nos informations sont exactes, votre premier manga professionnel est d’abord paru dans la revue Bouquet, axée shôjo (manga pour jeunes filles – NDLR). Aviez-vous une affinité particulière avec ce type de manga ?

J’ai effectivement remporté un prix au sein du magazine Bouquet, qui a publié le manga que j’ai soumis, mais je n’ai pas écrit dedans par la suite. À l’époque, ce que je dessinais était davantage tourné vers le manga shôjo, et c’est pour cette raison que j’avais choisi d’envoyer mon travail à un magazine spécialisé dans ce registre. Il y a des tas d’œuvres que j’aime, dans le shôjo, mais à mon sens je ne suis pas très douée pour en dessiner.

Ginko, l’expert ès « mushi », dans l’épisode Ceux qui respirent la rosée (tome 2).

Une fois entrée au mensuel Afternoon, vous commencez en 1999 Mushishi, qui prend d’abord la forme d’un one shot dans le magazine principal, puis d’une série dans le hors-série « saisonnier » (l’Afternoon Season Zôkan), avant de revenir au magazine principal. Pourquoi ces changements ?

En fait, si Mushishi a fini par être transféré dans l’Afternoon principal, c’est parce que le hors-série a cessé de paraitre. Ce dernier était publié de manière trimestrielle, ce qui m’offrait un délai additionnel dont je suis très reconnaissante d’avoir pu bénéficier durant les premiers temps de la sérialisation. Sans cette édition spéciale du magazine, Mushishi ne serait pas devenu ce qu’il est aujourd’hui.

Vous avez d’ailleurs déclaré qu’au moment d’inscrire Mushishi au prix d’Afternoon, vous étiez sur le point de faire une croix sur le métier de mangaka. Pourquoi étiez-vous résignée ?

Lorsque j’ai soumis Mushishi, je m’étais dit que si ça ne marchait pas alors j’abandonnerais cette voie. Il se trouve que j’avais quitté les bancs de l’université depuis longtemps, donc je pensais qu’il était temps pour moi de trouver un emploi.

Qu’auriez-vous fait comme autre métier, si ça n’avait pas marché ?

Après que Mushishi a été primé, j’ai travaillé dans une librairie pendant un certain temps. C’était un travail assez physique, mais j’ai pris plaisir à découvrir toutes sortes de livres.

Une illustration spéciale, « cross-over » entre Mushishi et Flow.

« Lorsque j’ai soumis Mushishi, je m’étais dit que si ça ne marchait pas alors j’abandonnerais cette voie. Il se trouve que j’avais quitté les bancs de l’université depuis longtemps, donc je pensais qu’il était temps pour moi de trouver un emploi. »
YUKI URUSHIBARA


Mushishi a finalement connu un grand succès, au point d’être adapté au cinéma par Katsuhiro Ôtomo (Akira). Comment avez-vous réagi en l’apprenant et quel est votre rapport à cet auteur ?

J’ai bien sûr adoré lire les œuvres de Katsuhiro Ôtomo, et je le considère toujours comme un artiste hors de portée. Quand j’ai appris la nouvelle, je n’en croyais pas mes oreilles. Aujourd’hui encore, lorsque j’y repense, ça sonne comme un mensonge, c’est à se demander s’il ne s’agissait pas d’un rêve… C’était pour moi une expérience incroyable.

Qu’avez-vous pensé du film et avez-vous rencontré Katsuhiro Ôtomo ?

Je pense que c’est un film imposant, qui possède un charme et une vision du monde différents de l’œuvre originale. Quant à monsieur Ôtomo, j’ai trouvé qu’il dégageait lui aussi une puissance imposante, qui m’a submergée.

Quel est votre segment de Mushishi préféré ?

Je dirais La montagne dort (tome 2, chapitre 6 – NDLR), cet épisode a comblé tous mes espoirs.

Vous rappelez-vous comment l’idée de cet épisode vous est venue ? Plus généralement, comment trouviez-vous les idées des histoires de Mushishi ?

Souvent, je développe mes histoires en partant d’une scène que j’ai envie de dépeindre. Dans ce cas-ci, l’idée m’est venue en regardant le mont Fuji enneigé. Je m’étais dit que le sommet ressemblait à un serpent blanc géant enroulé autour de la montagne.

Le fameux serpent blanc de La montagne dort, l’épisode de Mushishi que préfère l’autrice.

Comment avez-vous conçu les « mushi », qui sont au cœur de votre série ?

Au Japon, les gens utilisent depuis longtemps des expressions comme « mushi ga sukanai » (littéralement « je n’aime pas ses ‘insectes’ » – NDLR) pour dire qu’on ne s’entend pas avec quelqu’un sans raison particulière, ou « mushi no idokoro ga warui » (littéralement « mes ‘insectes’ sont mal en place » – NDLR) pour signifier qu’on est de mauvaise humeur sans cause apparente. Comme si ces choses qu’on ne comprenait pas étaient dues à la présence d’« insectes » à l’intérieur de nous. C’est de là que m’est venue l’idée d’une histoire où le folklore, les phénomènes familiers et les phénomènes naturels seraient liés à des « mushi ».

Est-ce que l’univers des yôkai a également pu vous inspirer et, à ce titre, quel est votre rapport aux œuvres de Shigeru Mizuki ?

Il m’est arrivé d’emprunter certaines représentations aux yôkai. Concernant Shigeru Mizuki, l’encyclopédie illustrée des yôkai est si répandue, au Japon, que tous les enfants japonais ont probablement lu l’un de ces livres à la bibliothèque de leur école, moi y compris.

Son rapport à Afternoon

Que représente le magazine Afternoon pour vous ?
C’est un magazine qui met l’accent sur l’individualité des artistes et laisse parler leur désir d’innover, et j’en suis reconnaissante.

Akira Kanai, l’actuel rédacteur en chef d’Afternoon, nous a expliqué que Mushishi était le manga qui « portait » la revue en des temps difficiles. En étiez-vous consciente ?
C’est peut-être la première fois que j’entends ça de manière si directe de la part du rédacteur en chef. Je suis honorée et heureuse de le savoir. Vraiment, je suis contente d’avoir dessiné Mushishi.

Quels sont vos cinq mangas préférés issus d’Afternoon ? Y en a-t-il un que vous auriez adoré vous-même créer ?
Hanashippanashi (éd. Casterman) de Daisuke Igarashi, Le Clan des Tengu (éd. Casterman) de Iô Kuroda, Escale à Yokohama (éd. Meian) de Hitoshi Ashinano, Le livre jaune (éd. Casterman) de Fumiko Takano et Undercurrent (éd. Kana) de Tetsuya Toyoda. Parmi ces mangas, il n’y en a pas un dont j’aurais voulu être l’autrice… Je pense que ces œuvres ne pourraient être écrites par nul autre que leur auteur respectif.

Racontez-nous une anecdote liée à Afternoon.
Comme je le disais plus tôt, j’ai vraiment eu de la chance que le hors-série saisonnier d’Afternoon existe. Par la suite, j’ai été publiée dans le mensuel principal et ce fut une immense joie, pour moi, de figurer dans le même magazine que les artistes que j’admirais.

Ginko face aux forces de la nature, dans l’épisode Avec la pluie vient l’arc en ciel.

D’ailleurs, quel est votre rapport personnel à la nature ? Croyez-vous en l’existence de créatures fantastiques ou d’un plan invisible ?

S’il n’y a pas de nature autour de moi, je me sens en quelque sorte étouffée. J’espère qu’il existe des choses qu’on ne peut pas voir ; je pense que si on les rejette catégoriquement, on se met à étouffer dans ce monde.

Plus généralement, avez-vous déjà assisté à des phénomènes surnaturels ou, du moins, inexplicables ?

J’aimerais que ça soit le cas, mais je dois vous répondre par la négative… Le peu que je puisse vous dire, c’est que lorsque je me documentais pour Underwater – Le Village immergé, j’ai pris en photo le butsudan (petit autel en forme d’armoire, présent dans les maisons des bouddhistes japonais, qui contient notamment des objets destinés aux rites funéraires ou autres souvenirs des défunts de la famille – NDLR) qui se trouve chez ma grand-mère et j’ai constaté, à ce moment-là, qu’énormément de formes rondes étaient apparues sur le cliché.

Ça devait être impressionnant, qu’avez-vous ressenti ? Avez-vous gardé la photo ?

Je n’arrive pas à la retrouver mais quand je l’avais regardée, j’avais trouvé ça étrange. Il se trouve que ces formes n’apparaissaient que sur les photos de la salle de l’autel bouddhique, donc j’ai pensé qu’il pouvait s’agir d’une manifestation de mes ancêtres.

Pour rester sur Underwater – Le Village immergé : vous lancez cette série en 2009 dans Afternoon. Comment est-elle née ?

Un jour, on m’a raconté qu’une maison qui appartenait à des proches, et où j’allais voir les lucioles quand j’étais petite, avait été submergée à cause d’un barrage. Je n’arrivais pas à oublier cette histoire et c’était donc un sujet que j’avais envie de dessiner à un moment ou l’autre.

A la fin du manga, vous remerciez « Mme Kawase et Mme Hiroko, pour avoir accepté de me raconter leur histoire », ainsi que le personnel de la source thermale de Kawarayu. Pouvez-vous nous raconter votre collaboration avec ces personnes et ce lieu ?

Ces femmes m’ont parlé de la vie dans les anciens villages riverains. J’imagine qu’il devait être pénible de vivre au fin fond des montagnes et pourtant, elles me racontaient leur histoire si joyeusement. Ça m’a impressionnée. Quant aux sources thermales de Kawarayu, elles ont été secouées par la construction d’un barrage durant plusieurs années, donc je leur ai demandé ce qu’elles en pensaient. La ville s’était déjà effondrée, lorsque je m’y suis rendue, et la tristesse de ce paysage m’a bouleversée.

L’ouverture en couleur d’Underwater – Le Village immergé, une œuvre sous le signe de l’élément aquatique.

« Lorsque je me suis réveillée et que j’ai allumé la télévision, j’ai vu les images du tsunami et j’ai été choquée de constater la réalité. C’était la première fois que je ressentais le côté impitoyable de la nature, au point d’en pleurer. »
YUKI URUSHIBARA


D’après les postfaces de Mushishi, vous aimez partir à la découverte de cadres naturels. Avez-vous déjà été confrontée aux dangers de la nature ?

Ça ne m’est pas encore arrivé.

Un événement lié aux forces de la nature a certainement marqué le Japon entier : le désastre du 11 mars 2011… Où étiez-vous ce jour-là et comment l’avez-vous vécu ?

Je me trouvais à Seto’uchi. L’ouest du Japon n’a sans doute pas été autant secoué que le reste ; moi, j’étais endormie lorsque ça s’est produit, car je m’étais couchée tard la veille (la secousse principale s’est produite à 14h46, heure du Japon – NDLR). Mais lorsque je me suis réveillée et que j’ai allumé la télévision, j’ai vu les images du tsunami et j’ai été choquée de constater la réalité. C’était la première fois que je ressentais le côté impitoyable de la nature – bien qu’indirectement – au point d’en pleurer.

Quels sont vos coins de nature préférés au Japon ? Avez-vous des recommandations ?

J’aime un endroit qui s’appelle Ine, à Kyoto, où se trouvent des funaya, des maisons-bateaux alignées au-dessus de la mer. Les gens de là-bas ne sont pas seulement proches de la mer : cela va plus loin, ils semblent ne faire qu’un avec elle. Actuellement, les maisons-bateaux font office d’auberges et le bruit des vagues que vous pouvez entendre sous le plancher, en y passant la nuit, est très apaisant. Je vous recommande aussi la chute d’eau de Nachi dans la préfecture de Wakayama. De toutes les cascades que j’ai pu voir, c’était de loin la plus impressionnante. Lorsqu’on s’en approche, on est frappé par sa grandeur et son apparence sacrée. Les sentiers de Kumano Kodô qui mènent à la chute d’eau, bordés d’arbres géants, sont également magnifiques.

La chute d’eau de Nachi, lieu sacré du shinto et du bouddhisme. Avec ses 133 mètres de haut pour 13 mètres de large, il s’agit de la plus grande cascade du Japon.

Dans Flow (2018), vous vous intéressez cette fois à l’incursion du fantastique dans un milieu urbain. Qu’est-ce qui vous a donné envie de changer de cadre ?

J’ai toujours aimé le paysage urbain japonais un peu ancien, l’architecture des appartements, les glissières de sécurité, les escaliers… Donc je m’étais dit que j’aimerais les dessiner un jour.

Êtes-vous du genre exploratrice, à vous engouffrer dans une ruelle qui vous paraît étrange ? On trouve dans vos œuvres l’idée récurrente d’un passage caché vers un autre monde…

J’adore m’aventurer et me perdre dans des ruelles qui me sont inconnues ! C’est l’un de mes rares passe-temps. Mon cœur s’emballe lorsque je trouve un chemin qui semble mener vers un autre monde. J’aime particulièrement les vieilles rues, elles me donnent l’impression de voyager dans le temps.

Flow ou l’amour de Yuki Urushibara pour les vieilles rues japonaises, qu’elle s’amuse ici à transformer en labyrinthe.

Savez-vous quels auteurs vous avez influencés ? L’autrice Asuka Ishii (L’île entre deux mondes, éd. Pika) a déclaré avoir envoyé ses planches à Afternoon parce qu’elle aimait votre travail, ainsi que celui de Daisuke Igarashi (Les Enfants de la mer, éd. Delcourt).

Je suis moi-même fan des œuvres de Daisuke Igarashi, donc je suis flattée que mon nom soit mentionné aux côtés du sien. Mais je ne sais pas s’il y a d’autres personnes que j’ai pu influencer.

Quels sont vos projets actuels ?

Comme j’aimerais dessiner divers endroits situés en dehors du Japon, je me suis récemment rendue au Laos. Je pense pouvoir tirer profit de ce voyage pour mon travail. Là-bas, les cascades qui s’écoulent au milieu des forêts, à la manière de rizières en terrasse, étaient magnifiques et merveilleuses. Et j’ai été contente d’avoir pu toucher un éléphant ! Aussi, j’ai vu le fleuve Mékong pour la première fois et j’ai été très impressionnée par sa fertilité, qui n’a rien à voir avec ce qu’on trouve au Japon. Et puis l’atmosphère générale, qu’il s’agisse du paysage colonial ou des gens décontractés, était tout aussi agréable. ●


« J’adore m’aventurer et me perdre dans des ruelles qui me sont inconnues ! C’est l’un de mes rares passe-temps. Mon cœur s’emballe lorsque je trouve un chemin qui semble mener vers un autre monde. »
YUKI URUSHIBARA


Page de garde de La Lumière sous les paupières, l’histoire qui a lancé Mushishi.

Ses leçons de vie et points de bascule

Racontez-nous un moment qui a changé votre vie.
Je pense que c’est le moment où, en prenant mon bain avec la lumière éteinte, j’ai trouvé l’idée de « fermer sa deuxième paire de paupières » présente dans Mushishi. C’est à partir de là que les images se sont mises à jaillir dans mon esprit.
(L’autrice fait référence à l’histoire
La Lumière sous les paupières, dans le tome 1, qui est celle lui ayant valu un prix et qui se nommait à l’origine simplement Mushishi. Il s’agit du récit de Sui, atteinte d’une maladie qui la rend sensible à la lumière ; elle explique qu’elle a une deuxième paire de paupières en dessous de laquelle des « mushi » vivraient et seraient à l’origine de la maladie.)

D’ailleurs, comment est né le personnage de Ginko ? Il peut rappeler le Black Jack d’Osamu Tezuka, est-ce une inspiration ?
Black Jack est charismatique et je l’adore, mais je ne m’en suis pas consciemment inspirée. J’aime les personnages avec un œil caché, ils ont un côté mystérieux n’est-ce pas… Et pour ses cheveux blancs, je m’étais juste dit qu’ils s’accorderaient bien avec la couleur verte.

Avez-vous un « dieu » en matière de manga, un auteur qui vous accompagne spirituellement ?
Lorsque j’ai rencontré Daisuke Igarashi et que je lui ai confié que j’étais fan de lui, il m’a dit qu’il y avait quelque chose d’unique dans mon travail. Ces mots ont toujours été importants pour moi.

Dans quelles circonstances vous êtes-vous rencontrés ?
C’était lors d’une fête de fin d’année d’Afternoon, on nous a présentés l’un à l’autre parce que nous avons le même responsable éditorial.

En dehors du manga, y a-t-il un film, un morceau de musique ou un livre qui vous a bouleversée au point de modifier votre vision du monde et de construire la personne que vous êtes aujourd’hui ?
Je pense que le fait d’avoir grandi avec les adaptations en film de Doraemon et les œuvres du studio Ghibli durant mon enfance ont fait s’ancrer leur vision du monde dans mon inconscient.

Quels sont les films de Ghibli qui vous ont le plus marquée et que pensez-vous du dernier en date, Le garçon et le héron ?
J’aimerais voir ce nouveau film, mais je n’en ai malheureusement pas encore eu l’occasion. Mes préférés sont Nausicaä de la Vallée du Vent, Mon voisin Totoro et Le Conte de la princesse Kaguya.

Que retenez-vous de votre carrière et de votre vie jusqu’ici ?
Je suis vraiment reconnaissante envers les personnes qui m’ont soutenues, comme mon éditeur ou les amis qui m’ont aidée. Je réalise que toute seule, je n’aurais pas été capable de dessiner quoi que ce soit par manque de force ou de motivation. Je suis heureuse d’avoir rencontré ces personnes.

Entretien réalisé par Frederico Anzalone
Photos Unsplash (Ayumi Kobo, Kirill)
Remerciements Oscar Deveughele, Yohan Leclerc, Stéphanie Nunez, Natan Paquet, Tomoyo Tsuno, Kaoru Yoshitake

En lien avec cet article