Jimmy Corrigan
de Chris Ware (1967)
Éditions Delcourt, 2002
Jimmy Corrigan est un gamin pas très futé. Devenu un trentenaire solitaire sa vie sociale est réduite à des communications téléphoniques avec une mère omnipotente. Ce paria émotionnellement handicapé retrouve un père qui l’a abandonné enfant. Toute tentative de communication semble vaine, vouée à l’échec. Il ne connaît pas mieux son père quand celui-ci meurt, des suites d’un accident, à l’hôpital deux jours après leur rencontre.
L’album est constitué d’un arrangement libre de séquences mêlant au présent le passé de Jimmy et de sa famille, des rêves comme le suicide de Superman et les fantasmes de cet homme frustré. Ces histoires entremêlées de père en fils sur quatre générations s’accompagnent d’une remontée de l’histoire des États-Unis jusqu’à l’exposition universelle de Chicago en 1893. Il y a beaucoup d’émotions contenues dans cette œuvre à mi-chemin entre autobiographie et fiction.
Laurent Lessous © L@BD / CRDP
L’avis de L@BD / CRDP : Jimmy Corrigan ou le gamin le plus futé de la Terre est une BD exceptionnelle, fruit de sept ans de travail d’un auteur maniaque. Le dessin de Ware est à la fois méticuleux et raffiné, proche de la ligne claire s’y mêlent des réclames du début du XXe siècle, des plans des villes des années 1890 et des clins d’œil aux comics des années 1940-1950. Les arrangements des vignettes dans la page dérangent nos habitudes de lecture, on peine à suivre la logique propre de chaque planche. L’inadaptation règne dans cette histoire en partie autobiographique. Ware adopte un style emphatique pour mieux laisser percer une émotion qui finit par nous submerger. Ce véritable roman graphique lui permet d’accéder au rang d’auteur culte du septième art comme le souligne Dave Egers du journal le New-York Times : « L’œuvre de Ware nous oblige à considérer ce genre ou l’art et les mots sont conçus ensemble et restent inextricablement mêlés, non pas comme un cousin dégénéré de la littérature mais plus justement comme une sœur mutante à qui il arrive souvent de faire aussi bien et souvent mieux que la littérature. »