Les Mauvaises Gens. Une histoire de militants
d’Étienne Davodeau (1965)
Éditions Delcourt, 2005
Étienne Davodeau est né en 1965 dans une région catholique et rurale puis ouvrière de l’Ouest de la France. Son village des Mauges, situé entre Angers et Cholet dans le Maine-et-Loire, a connu dans les années 1950 toutes les transformations sociales ayant marqué l’après-guerre notamment sous l’influence du militantisme qui caractérisait ses parents. Sous la forme d’un reportage, l’auteur retrace leur vie et s’entretient avec ceux qui ont participé à cette évolution, voisins, amis et collègues. Il fait revivre ses parents qui luttent pour l’amélioration des conditions de travail à l’usine, celle de chaussures où sa mère s’épuise depuis l’âge de 14 ans, celui de son père ouvrier qui deviendra délégué du personnel et bientôt enseignera son métier. Davodeau évoque aussi le rôle déterminant des prêtres-ouvriers de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), les revendications, les dissensions…
Peu à peu au fil des grandes mutations de la seconde moitié du XXe siècle (de 1950 à 1981) se dessinent les aspirations sociales d’une population en mal de justice, d’équité et d’humanité. Le militantisme religieux, politique et syndicaliste a irréversiblement touché la famille de l’auteur, mais aussi sa propre conscience d’adolescent et de conteur.
Didier Quella-Guyot © L@BD / CRDP
L’avis de L@BD / CRDP : Davodeau interroge, consulte les archives, fouille les photos, croise les informations pour raviver un passé familial représentatif d’une société déjà presque disparue. En parfait journaliste, il restitue un peu de la mémoire collective au fil d’un album qui tel un reportage de télévision nous montre les personnages en train de se raconter ou l’exhibant se posant des questions de méthode. Alors que Davodeau utilise des photocopies de textes (quotidiens d’époque), jamais il ne cède à l’usage de la photo et c’est tout en dessins qu’il fait œuvre de chroniqueur. Avec Rural !, Davodeau avait déjà réussi le pari de faire du reportage en BD. Son talent est à la hauteur de son militantisme narratif car Davodeau a peu à peu évolué graphiquement et réussit à faire partager ses émotions. Avec Chute de vélo, il obtient début 2005 le Prix des Libraires de l’ALBD et avec ce nouveau titre le Grand Prix des Critiques de l’ACBD. Belle performance !