Une année de bandes dessinées sur le territoire francophone européen
par Gilles Ratier, secrétaire général de l’ACBD Dans un contexte difficile et morose, tant sur le plan économique (où les parts de marchés sont de plus en plus dures à maintenir et à conquérir) que social (où les relations entre auteurs et éditeurs n’ont jamais été aussi tendues), la production d’albums de bande dessinée a augmenté pour la 17e année consécutive. Les acteurs du 9e art sont donc toujours aussi dynamiques et continuent de proposer une offre abondante et diversifiée, mais cette prolifération de nouveautés, destinées à un public atomisé, rend plus compliquée la gestion des stocks et la visibilité des albums en librairie. Inquiétude, vigilance et prudence sont de mise ! D’autant plus que, dans cette situation éditoriale confuse, les locomotives du secteur ont du mal à rencontrer leur public et les tentatives de transfert vers les nouveaux supports numériques ne sont pas encore à maturité.
I. Production – Pour satisfaire un public de plus en plus atomisé, l’offre de bande dessinée connaît une nouvelle progression : 5 565 livres de bande dessinée ont été publiés en 2012 – soit une augmentation de +4,28% par rapport à 2011 – dont 4 109 strictes nouveautés.
II. Édition – Le marché est fortement polarisé : 4 groupes dominent la production et l’activité du secteur avec 44,87% de la production, alors que 326 éditeurs ont publié des bandes dessinées en 2012 (contre 316 en 2011).
III. Évaluation – Alors que le secteur résiste plutôt bien dans un contexte économique difficile, le tirage des 89 titres ayant bénéficié des plus fortes mises en place est en baisse.
IV. Traduction – Le marché francophone est toujours l’un des plus ouverts au monde extérieur puisque 2 234 nouvelles bandes dessinées ont été traduites en 2012 – dont 1 586 proviennent d’Asie et 448 des États-Unis –, soit 191 de plus que l’année passée…
V. Réédition – 1 069 nouvelles éditions ou intégrales, de plus en plus qualitatives, permettent d’alimenter un secteur patrimonial qui se porte plutôt bien ; il y en avait eu 1 058 l’an passé.
VI. Prépublication – En 2012, on trouve en kiosque, au niveau de la bande dessinée, 77 revues spécialisées et 10 séries de fascicules.
VII. Création – Sur le territoire francophone européen, 1 951 auteurs ont publié au moins un album en 2012. Selon les critères retenus depuis 10 ans, on peut estimer que 1 510 auteurs réussissent encore à vivre, souvent difficilement, de la création de bande dessinée.
VIII. Information – On recense, en 2012, 11 revues papier et 34 sites spécialisés dans l’information et la critique de bande dessinée.
IX. Mutation – L’apparition des revues de bandes dessinées numériques offre de nouvelles pistes, mais le développement du 9e art sur les supports digitaux est encore très faible !
X. Adaptation – Les œuvres du 9e art sont, cette année encore, un réservoir conséquent pour les autres médias ; et inversement…
XI. Manifestation – Avec 489 festivals, salons ou bourses organisés sur le territoire francophone européen en 2012, les événements autour de la BD continuent de se développer, particulièrement en France.
Bilan téléchargeable avec annexes
NB : la moindre utilisation de ces données ou d’une partie d’entre elles doit être obligatoirement suivie de la mention : © Gilles Ratier, secrétaire général de l’ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée)
Pour satisfaire un public de plus en plus atomisé, l’offre de bande dessinée connaît une nouvelle progression : 5 565 livres de bande dessinée ont été publiés en 2012 – soit une augmentation de +4,28% par rapport à 2011 – dont 4 109 strictes nouveautés.
Confrontés à la multiplicité des genres et des publics, nombreux sont les éditeurs qui ont encore augmenté leur production d’albums de bande dessinée : 5 565 livres appartenant au monde du 9e art ont été diffusés dans les librairies francophones ou via Internet en 2012 (5 327 en 2011). Soit 238 titres de plus (+4,28%) qu’en 2011, année qui avait déjà enregistré, par rapport à l’année précédente, une augmentation de 3,04% avec 162 ouvrages en plus. Pourtant, d’après Livres Hebdo/Electre, la production de bande dessinée ne représenterait que 7,38% de la production éditoriale globale sur le marché français (contre 7,45% l’an passé) : si l’on considère l’ensemble du paysage éditorial français, environ 65 500 nouveautés et nouvelles éditions ont été publiées en 2012. D’autres domaines sont bien plus productifs : les livres pour la jeunesse, les sciences sociales ou les romans (respectivement 13,5%, 12% et 11,7% de la production totale).
Évidemment, tous ces albums de bandes dessinées sont loin de bénéficier des mêmes tirages et de la même mise en place ! 281 d’entre eux (contre 235 en 2011) sont même diffusés uniquement localement ou via Internet et n’encombrent donc pas, systématiquement, les rayonnages des librairies, qu’elles soient spécialisées ou non.
Par ailleurs, parmi ces 5 565 ouvrages, il faut aussi distinguer les catégories suivantes :
– les rééditions (et éditions revues ou augmentées) avec 1 069 titres sous une nouvelle présentation, c’est-à-dire 19,21% des bandes dessinées de l’année, contre 1 058 et 19,86% en 2011, soit seulement 11 titres de plus.
– les artbooks, avec 311 recueils d’illustrations réalisées par des auteurs de bandes dessinées (5,59% des parutions de 2012), soit un léger recul de 28 titres par rapport aux 339 et au 6,36% de 2011.
– les essais, avec 76 ouvrages sur le 9e art (1,36% des parutions), soit 13 opus de moins que l’an passé où il y en avait 89, soit 1,67%.- et les strictes nouveautés, qui sont au nombre de 4 109 en 2012 (73,84 % du total des livres de bande dessinée), pour 3 841 et 72,11% en 2011, ce qui signifie qu’avec 268 albums en plus, c’est le seul secteur vraiment en progression.
Signalons toutefois que 197 de ces 4 109 titres sont des reprises datant de plus de 20 ans qui n’avaient jamais été compilées sous forme de livres auparavant (soit 4,79% des nouveautés, contre 221 et 5,75% en 2011) et que 2 234 d’entre eux sont des traductions d’œuvres parues dans l’année et achetées à l’étranger. Si l’on déduit ces titres souvent moins coûteux ou amortis avec le temps, on s’aperçoit qu’il n’y a eu, pendant l’année 2012, que 1 678 véritables créations de bandes dessinées en Europe francophone, soit 30,15% de la production globale d’albums. C’est quand même 101 de plus qu’en 2011 où il y en avait eu 1 577 (29,6%).
Ces 4 109 nouveaux albums s’adressent toujours, principalement, à 4 lectorats distincts :
– celui des BD traditionnelles dites franco-belges avec 1 731 titres parus en 2012 (42,13% des nouveautés), contre 1 632 et 42,49% en 2011, soit une progression significative de 99 titres. Selon l’étude menée en 2011 auprès de l’ensemble des Français par la BPI et le DEPS (disponible sur citebd.org), cela représenterait 37% du nombre total des bandes dessinées lues annuellement.
– celui des séries « asiatiques » dont la production augmente à nouveau : 1 621 nouveaux mangas, manhwas, manhuas et assimilés étant parus en 2012 (39,45% des nouveautés), contre 1520 et 39,57%, en 2011, soit 101 titres en plus. Selon l’étude de la BPI et du DEPS, cela représenterait 23% du nombre total de BD lues.
– des comics américains qui reprennent aussi force et vigueur avec 366 recueils parus en 2012 – 8,91% des nouveautés –, contre 303 et 7,89% en 2011, soit 63 titres en plus (pour 15% du nombre total de BD lues).
– les romans graphiques et livres expérimentaux avec 391 albums atypiques parus en 2012 – 9,51% des nouveautés –, contre 386 et 10,05% en 2011, soit 5 titres en plus (pour 7% du nombre total de BD lues).
Même si les catalogues des éditeurs sont de plus en plus riches et segmentés, aucun autre lectorat potentiel ne semble émerger, l’étude menée par la BPI et le DEPS mettant juste en exergue le public des lecteurs de journaux d’humour (17% du nombre total de BD lues) qui serait à rajouter à celui des lecteurs d’albums. Par ailleurs, on ne peut que constater la poursuite du métissage des styles et des origines qui complique la répartition des albums dans telle ou telle catégorie. Cependant, 1 359 nouveaux albums hors mangas et comics s’inscrivent dans des séries (contre 1 319 en 2011), soit 64,04% de ces nouvelles créations ou traductions (65,36% en 2011).
– recueils humoristiques avec 489 albums (soit 28,25% de ce secteur) contre 494 et 30,27% l’an passé ;
– albums fantastiques ou de science-fiction avec 265 albums (15,31%) contre 274 et 16,79% ;
– et bandes dessinées érotiques : 29 albums (1,68%) contre 39 et 2,39%.
Les jeunes lecteurs ont donc été la cible privilégiée de l’édition en 2012, alors que 90% des 11-14 ans ont déclaré lire des bandes dessinées lors de l’enquête nationale lancée par la BPI et le DEPS ; étude qui met aussi l’accent sur le délaissement progressif du médium : 1 Français sur 3 (32%) en est actuellement consommateur, mais 44% de cette population se considère comme anciens lecteurs, 24% déclarant n’avoir jamais lu de BD.
Le marché est fortement polarisé : 4 groupes dominent la production et l’activité du secteur avec 44,87% de la production, alors que 326 éditeurs ont publié des bandes dessinées en 2012 (contre 316 en 2011).
Cette profusion d’albums de toutes sortes est le fait de 326 éditeurs (soit 16 de plus qu’en 2011 où ils étaient 310) ; et plus particulièrement des 16 plus puissants qui ont publié, en 2012, 3 999 ouvrages – soit 71,86% du secteur (contre 3702 et 69,5% en 2011) –, dont 3 015 strictes nouveautés (2 766 en 2011). À elles toutes, les structures de moindre importance totalisent 1 566 ouvrages – soit 28,14% du secteur (contre 1 675 titres et 31,44% en 2011) – dont 1 094 véritables nouvelles parutions (1061 l’an passé).
– celui de Guy Delcourt est toujours, sur le plan de la bande dessinée, le plus gros producteur d’albums avec 906 titres – soit 16,28% de la production annuelle – (840 et 15,77% en 2011) et, en termes de chiffre d’affaires, le 2e plus important groupe éditorial (voir, en annexes, les données d’Ipsos et Livres Hebdo). La maison mère a publié 539 opus – soit 9,69% (ses labels mangas, via Akata et Tonkam, compris) : encore plus que l’an passé où l’on en dénombrait 476 (8,94%). Ses récentes filiales Soleil, Soleil Manga et Quadrants ont, quant-à-elles, stabilisé leur production avec 367 albums – soit 6,59% (contre 364 et 6,83% en 2011).
– le groupe Média-Participations est encore le plus important sur le plan économique, mais n’est qu’en 2e position sur le plan de la production : 783 titres ont été publiés sous ses filiales Dargaud, Dargaud Benelux, Kana, Le Lombard, Dupuis, Graton, Blake et Mortimer, Lucky Comics, Fleurus/Édifa/Mame, Mediatoon Publishing, Huginn & Muninn et son nouveau département comics Urban Comics (en partenariat avec le groupe américain DC Comics) – soit 14,07% de la production (contre 775 et 14,55% l’année passée).
– le groupe Glénat demeure le 3e éditeur du secteur, tant sur le plan économique que de la production, avec 478 titres – soit 8,59% (contre 469 et 8,8% en 2011) – publiés sous son propre label ou ceux de ses filiales Comics, Disney, Mangas, Treize Étrange et Vents d’Ouest, mais aussi Drugstore abandonné en cours d’année.
– le groupe Gallimard, en ayant racheté le groupe Flammarion, hérite des labels BD Casterman, KSTR, AUDIE/Fluide glacial et de 50% de Jungle ! (qui se rajoutent à ses filiales Denoël Graphic et Futuropolis dont le groupe d’Antoine Gallimard a repris 100% des parts), et devient ainsi le 4e éditeur en termes de chiffre d’affaires et de production, avec 330 titres en 2011 – soit 5,93% (contre 303 et 5,8% l’année passée).
Derrière ces 4 leaders, 12 groupes au poids économique non négligeable confortent leurs positions : Panini avec 265 comics et mangas – soit 4,76% (265 et 4,97% en 2011), les filiales bande dessinée d’Hachette Livre avec 212 titres – soit 3,81% de la production (contre 185 et 3,47% en 2011) – par l’intermédiaire d’Albert-René, Pika, Marabout, Lattès, Chêne et L.G.F., Kazé Manga avec 198 mangas – soit 3,56% (188 et 3,53% en 2011), Bamboo avec 155 titres – soit 2,78% (contre 135 et 2,53% en 2011), Taïfu avec 108 mangas – soit 1,94% (85 et 1,59% en 2011), Ki-oon avec 105 mangas – soit 1,89% (88 et 1,65% en 2011), Clair de Lune avec 103 titres – soit 1,85% (98 et 1,84% en 2011), le groupe Éditis et ses filiales Kurokawa, First, Fleuve noir, Hors Collection et Pocket, avec 92 titres – soit 1,65% (101 et 1,9% en 2011), Ankama avec 85 divers albums – soit 1,53% (83 et 1,56% en 2011), Les Humanoïdes associés avec 71 livres – soit 1,27% (72 et 1,35% en 2011), 12 bis avec 54 titres – soit 0,97% (65 et 1,22% en 2011) et Paquet avec 47 opus – soit 0,84% (50 et 0,93% en 2011).
Cette concentration de l’édition laisse peu de place aux autres entreprises, qu’elles soient structures au catalogue classique (Akileos, Ange, Assor BD, Bac@bd, BD Must, Cleopas, Coccinelle, Daric, DCL, Les Deux Royaumes, EP Emmanuel Proust Éditions, P. Galodé, Hibou, Hugo BD/Desinge, Idées +, Joker, JYB, Mad Fabrik, Makaka, Marsu, Mosquito, Le Moule-à-gaufres, Nickel, Physalis, Quintet, Roymodus, Sandawe, Signe, Le Stylo Bulle, Tartamudo, Triomphe, Zéphyr…), éditeurs jeunesse (Bang, Bayard, Biblieurope, Calligram, Carabas, Didier, Dragon d’Or, L’École des Loisirs, Gargantua, Gouttière, Imav, Jarjille, Max Milo, Plume de Carotte, Poisson soluble, Sarbacane, Tourbillon…), opérateurs littéraires (Actes Sud BD/L’An 2, Les Arènes, City, De Borée, Les Échappés, L’Harmattan, O. Jacob, M. Lafon, La Martinière/Fetjaine, Naïve, Olivius, Seghers, Seuil, Steinkis, Vuibert…) ou « petite édition » alternative, à l’instar de L’Agrume, Altercomics, L’Apocalypse, L’Association, Atrabile, Attila, BDMusic, A. Beaulet, La Boîte à Bulles, çà et là, La Cafetière, Cambourakis, Canard, La Cerise, La 5ème Couche, Cornélius, Des Ronds dans l’O, 2024, Drozophile, Dynamite, Ego comme X, Eidola, Elytis, L’Employé du Moi, Les Enfants rouges, Flblb, FRMK, The Hoochie Coochie, Les Impressions nouvelles, Lapin, Même pas mal, Misma, Na, 9ème Monde, L’Œuf, Onapratut, PLG, Poivre & Sel, Rackham, Les Requins Marteaux, Les Rêveurs, R. Rils, 6 Pieds sous Terre, Tabou, Tanibis, Vertige Graphic, Vide Cocagne, Warum, Zanpano… qui n’ont produit que 294 nouveautés – soit 7,15% (278 et 7,24% en 2011).
La visibilité en librairies est d’autant plus difficile à assurer que la filière du livre est en pleine mutation (les achats sur Internet, par exemple, ne cessent d’augmenter) et que l’accès aux 12 principaux diffuseurs ou distributeurs, lesquels permettent une mise en place efficace, est souvent compliqué. D’ailleurs, la plupart des « gros » éditeurs possèdent leur propre société de diffusion et de distribution : Média Diffusion/MDS pour Média-Participations, la Sodis et le Centre de Diffusion de l’Édition/CDE pour Gallimard, Interforum pour Éditis et Volumen pour La Martinière ; Delsol pour Delcourt ou Glénat Diffusion pour Glénat sont distribués par Hachette, le leader de cette profession. Les « petites » structures, elles, travaillent avec des diffuseurs-distributeurs comme Harmonia Mundi, Les Belles Lettres ou Makassar aux forces de vente plus limitées.
Alors que le secteur résiste plutôt bien dans un contexte économique difficile, le tirage des 89 titres ayant bénéficié des plus fortes mises en place est en baisse.
Si l’économie du 9e art se contracte depuis quelques années en ne suivant plus la courbe ascendante de la production, d’après Livres Hebdo/I+C, elle a, cependant, bien résisté sur les 9 premiers mois de 2012, dans un contexte où la moyenne des ventes de livres, tous genres confondus, recule. La bande dessinée enregistre, en effet, une légère progression à +0,5% en euros courants, alors que l’ensemble du marché du livre régresse de -2% en euros courants. Il faudra, bien entendu, attendre le début 2013 pour affiner ce bilan économique général de 2012, d’autant plus que le dernier trimestre est toujours déterminant pour l’activité du secteur.
Ceci dit, comme dans toutes les autres industries culturelles, le marché tourne essentiellement autour de quelques noms : 89 séries ou œuvres indépendantes d’auteurs bien installés ont été tirées à plus de 50 000 ex. en 2012 (moins que l’an passé où l’on en avait comptabilisé 10 de plus) et réalisent l’essentiel du chiffre sur ce secteur. En 2012, 78 d’entre elles appartiennent au domaine franco-belge et leur fonds représente, environ, 60% du chiffre d’affaires des principaux éditeurs qui nous ont communiqué les chiffres de tirage suivants :
– 1 000 000 d’exemplaires pour le tome 13 de Titeuf par Zep (Glénat) ;
– 450 000 ex. pour le 5ème Lucky Luke par Daniel Pennac, Tonino Benacquista et Achdé (Lucky Comics) ;
– 440 000 ex. pour le tome 18 de Largo Winch par Jean Van Hamme et Philippe Francq (Dupuis) ;
– 440 000 ex. pour le tome 21 de Blake et Mortimer par Yves Sente et André Juillard (Blake et Mortimer) ;
– 350 000 ex. pour le tome 21 de XIII par Yves Sente et Iouri Jigounov (Dargaud Benelux) ;
– 250 000 ex. pour le tome 17 du Chat par Philippe Geluck (Casterman) ;
– 250 000 ex. pour le tome 13 de Kid Paddle par Midam (Mad Fabrik) ;
– 250 000 ex. pour le tome 6 de Lou ! par Julien Neel (Glénat) ;
– 240 000 ex. pour le tome 16 du Petit Spirou par Tome et Janry (Dupuis) ;
– 200 000 ex. pour le tome 9 des Blagues de Toto par Thierry Coppée (Delcourt).
Viennent ensuite XIII Mystery T.5 par Fabien Nury et Richard Guérineau (180 000), Le Marsupilami T.25 par Stephan Colman et Batem (165 000), Les Légendaires T.15 par Patrick Sobral (160 000), Les Bidochon T.21 par Christian Binet, Tintin : Le Secret de la Licorne, en cases et en bulles d’après Hergé et Steven Spielberg ou Les Tuniques bleues T.56 par Raoul Cauvin et Willy Lambil (150 000), Le Cycle de Cyann T.5 par François Bourgeon et Claude Lacroix ou Cédric T.26 par Raoul Cauvin et Laudec (140 000), Les Légendaires Origines T.1 par Patrick Sobral et Nadou, Les Schtroumpfs T.30 par Alain Jost, Thierry Culliford et Jeroen De Coninck ou Les Mondes de Thorgal : Kriss de Valnor T.2 et T.3 par Yann et Giulio De Vita (130 000), Les Sisters T.7 par Christophe Cazenove et William (122 065), Les Profs T.15 d’Erroc, Pica et Mauricet (120 205), L’Élève Ducobu T.28 par Godi et Zidrou (120 000), Les Mondes de Thorgal : Louve T.2 par Yves Sente et Roman Surzhenko ou Yoko Tsuno T.26 par Roger Leloup (115 000), Lanfeust Odyssey T.4 par Christophe Arleston et Didier Tarquin, Moi, René Tardi prisonnier de guerre au Stalag II B par Jacques Tardi, Le Scorpion T.10 par Stephen Desberg et Enrico Marini ou Trolls de Troy T.16 de Christophe Arleston et Jean-Louis Mourier (110 000)…
En ce qui concerne les comics, le tirage le plus important de l’année est encore l’adaptation des Simpson, le feuilleton animé télévisé de Matt Groening : avec les 3 opus de la série mère, les 2 de Bart Simpson, celui de Bartman et les 3 hors série parus dans l’année qui ont été tirés entre 50 000 et 120 000 ex. chacun. Seuls les zombies américains de Walking Dead par Charlie Adlard et Robert Kirkman (avec 2 tomes tirés à 70 000 et 75 000 ex.) et les strips du gros chat Garfield par Jim Davis (2 recueils tirés à 50 000 et à 55 500 exemplaires) peuvent être considérés comme des outsiders, même si on sent un frémissement favorable du côté des super-héros avec Kick-Ass chez Panini ou les différents titres de Batman chez Urban Comics (autour de 25 000 exemplaires).
Du côté mangas, ce sont toujours les 10 mêmes séries (publiées chez 5 éditeurs) qui assurent 50% des ventes dans leur globalité : Naruto avec 3 nouveaux tomes tirés à 225 000 ex. par Kana, One Piece (5 tomes entre 135 000 et 165 000 ex. par Glénat, auxquels il faut rajouter 2 adaptations du film Strong World à 45 000 ex. et un guidebook à 40 000 ex.), Fairy Tail (6 tomes tirés à 85 000 ex. par Pika), Black Butler (3 tirés entre 66 000 et 72 000 ex. par Kana), Bleach (5 tirés entre 50 000 et 60 000 ex. par Glénat), Bakuman (4 tirés entre 35 000 et 55 000 ex. par Kana), Hunter X Hunter (2 tirés entre 39 000 et 50 000 ex. par Kana), Judge (2 tirés à 40 000 ex. par Ki-oon) et 1 Pokémon noir et blanc ou 3 Soul Eater (tirés à 36 000 ex., chacun, par Kurokawa).
Force est de constater, qu’à de rares exceptions près, les chiffres de tirage des locomotives du secteur sont tous fortement en baisse. Aujourd’hui, les éditeurs ajustent au mieux leurs coûts en imprimant ce qu’ils espèrent être les ventes d’une première année de mise en place, tout en tenant compte des ventes effectives des précédents volumes. De ce fait, évidemment, le tirage moyen baisse une fois de plus, alors que l’écart diminue entre les « best-sellers » (tirés à au moins 20 000 ex.) et les autres tirages.
Il semble donc que l’augmentation des titres tirés entre 20 000 et 50 000 ex. ait permis la bonne tenue du secteur, alors que certains espaces de vente (comme les librairies spécialisées) continuent de connaître des problèmes de surface, de disponibilité et de trésorerie. Particulièrement en fin d’année, entre septembre et décembre, période où les éditeurs font le plus gros de leur chiffre d’affaires (avec la parution de 139 des 234 principaux « blockbusters » produits en 2012, alors qu’il n’y en avait que 64 sur 137 l’année passée) et où 37,45% de la production annuelle – soit 2 084 albums – ont été mis en place (contre 1 938 et 36,38%) en 2011.
Le marché francophone est toujours l’un des plus ouverts au monde extérieur puisque 2 234 nouvelles bandes dessinées ont été traduites en 2012 – dont 1 586 proviennent d’Asie et 448 des États-Unis –, soit 191 de plus que l’année passée…
En 2012, 2 234 ouvrages de bande dessinée provenant de 23 pays différents (26 en 2011) ont été traduits – soit 54,37% des nouveautés – (contre 2 043 et 53,19% en 2011) : une augmentation significative de 191 titres qui n’a rien d’étonnante quand on sait, qu’en général, les achats de droits sur des œuvres étrangères coûtent moins cher aux éditeurs que les avances de droits d’auteur nécessaires aux créations originales.
C’est toujours le continent asiatique qui fournit le plus de matière avec 1 586 nouveaux albums parus en 2012 (1 494 en 2011), ce qui correspond à 546 séries différentes traduites du japonais, du coréen ou du chinois (499 en 2011) ; soit 38,6% des nouveautés (38,9% en 2011), publiées chez 40 éditeurs différents (35 en 2011) : un secteur plébiscité par un public souvent jeune et féminin qui apprécie toujours leur moindre coût et leur contenu, ainsi que la succession de parution des tomes dans de courts délais.
Si on note une reprise d’intérêt pour les manhwas coréens (106 en 2012, pour 85 en 2011), les manhuas chinois (13 en 2012, pour 15 en 2011) et les créations de mangas européens (37, contre 31 l’an passé), ainsi que l’exploration de nouveaux territoires (avec 1 titre en provenance d’Inde et 1 autre d’Iran), ce lectorat reste principalement fidèle aux bandes dessinées japonaises. En 2012, 1 465 mangas ont été traduits en français, soit 35,65% des nouveautés (contre 1 387 et 36,11% l’an passé), alors que ce secteur ultra-concurrentiel se réorganise sous la pression des éditeurs japonais, vendeurs de licences. En effet, ces derniers s’implantent de plus en plus directement sur le territoire francophone, fragilisant, ainsi, les 14 principaux labels leaders en ce domaine.
Glénat Manga, éditeur de 120 nouveaux mangas traduits en 2012, renforce sa position de leader de ce segment dont le marché semble légèrement en baisse (-2,6% en valeur et -4,3% en nombre d’exemplaires vendus pour la période janvier-mai, d’après Ipsos et Livres Hebdo). Ses principaux concurrents sont les éditions Kana (avec 176 titres dont 6 sous le label Mediatoon Publishing) et Pika (avec 157 nouveautés en 2012). Ensuite, le secteur est détenu, dans une moindre mesure, par Delcourt (83 nouveaux titres traduits via Akata, 152 par sa filiale Tonkam et 119 par Soleil Manga), Kurokawa (69 nouveautés), Kazé Manga/Asuka (194), Ki-oon (96), Panini Manga (97), Ankama (14 sous le label Kuri et 10 mangas créés par des Européens), Taïfu (99), Bamboo avec Doki-Doki (39) et Casterman avec Sakka (20).
Pour riposter à l’offensive japonaise, ces éditeurs développent toujours plusieurs autres axes stimulants comme la création en direct avec les auteurs asiatiques, les changements de formats et les essais en littérature jeunesse ou romanesque ; tout comme d’autres, à la production plus anecdotique, privilégient les œuvres proches du roman graphique, à l’instar de BFL Europe, Cornélius, Flblb, Imho, Kejhia, Komikku, Kotoji, Le Lézard noir, Mame, Picquier, Sarbacane, Thema Press… Par ailleurs, il ne faut pas oublier celle de Booken Mangas, Clair de Lune, Kwari, Paquet ou Physalis pour la bande dessinée coréenne, et de Fei ou Nobrow pour la chinoise.
Les bandes dessinées américaines sont l’autre segment important des nouvelles traductions proposées sur le territoire francophone européen avec 448 titres publiés en 2012, soit 10,9% (contre 364 et 9,48% en 2011) : 81,7% d’entre eux (366 albums) sont des comics mettant en scène super-héros et consorts (contre 303 et 7,89% en 2011). En 2012, le groupe Panini France, qui en était jusqu’alors le principal leader, a traduit 140 productions Marvel (des X-Men à Spider-Man, en passant par The Avengers ou Fantastic Four), dont 37 sous son label Fusion Comics. Il subit, désormais, la forte concurrence de la filiale Urban Comics du groupe Média-Participations qui a récupéré l’exclusivité de la marque DC Comics (avec 91 comics de Batman, Superman, Green Lantern…) et des départements spécialisés de Delcourt (64 albums d’origine US chez la maison mère et 12 chez Soleil US) ou de Glénat (8 nouveaux comics en 2011). Ce marché très concurrentiel risque aussi d’être rapidement saturé car bien d’autres maisons arborent des labels accueillant la bande dessinée américaine, telles Akiléos (9 nouveautés en 2011), Ankama (10), Atlantic (8), Comix Junior (4), EP Emmanuel Proust Éditions (6), Jungle ! (leader du marché des licences pour la bande dessinée avec 18 BD US), Kymera (2), Le Lombard (6), Milady Graphics (6), Paquet (4), Summer Media (14), Vertige Graphic/Coconino Press (1)…
Troisième pôle non négligeable de ce secteur, les traductions de bandes dessinées italiennes (les fumetti, comportant de nombreuses séries populaires en noir et blanc) ont été au nombre de 85 en 2012 – soit 2,07% des nouveautés –, pour 83 et 2,16% l’an passé. Cependant, leur portée reste très limitée auprès du lectorat francophone, malgré les efforts des éditions Glénat (24 nouvelles traductions italiennes en 2012), Clair de Lune (16 nouveautés transalpines), Mosquito (5) et Pavesio (3) qui font beaucoup pour leur essor dans nos contrées.
Toutefois, quelques autres pays ne sont pas en reste et fournissent du matériel également traduit en français, à l’instar de l’Espagne (35 nouveautés contre 34 en 2011), la Grande-Bretagne (21 contre 19), les Pays-Bas (18 contre 12), l’Allemagne (12 contre 14), la Finlande (4 contre 1) ou l’Argentine (4, comme en 2011), mais aussi du Canada anglophone, d’Israël, de la Suède, du Brésil, de la Croatie, du Danemark, du Maroc, de la Norvège…
Notons aussi la toujours bonne activité de la bande dessinée francophone à l’export, notamment grâce au succès des romans graphiques, au format plus adapté au marché mondial, qui contribue à faire profiter le secteur du 9e art en France, Belgique et Suisse et qui a permis, en 2012, à 174 auteurs étrangers (39 de plus que l’an passé) de travailler directement pour les éditeurs basés dans ces pays : 84 Italiens en 2012 (contre 63 en 2011), 27 Espagnols (8 en 2011), 24 résidents des pays de l’Est (18 en 2011), 9 Chinois (7 en 2011), 3 Argentins…
1 069 nouvelles éditions ou intégrales, de plus en plus qualitatives, permettent d’alimenter un secteur patrimonial qui se porte plutôt bien ; il y en avait eu 1 058 l’an passé.
Afin d’assurer la présence de leur fonds en librairies, de plus en plus d’éditeurs jouent la carte des rééditions, compilations et intégrales en les rhabillant en nouveautés, souvent sous une nouvelle présentation. Ainsi, en 2012, 1 069 reprises d’albums (1 058 en 2011), dont 319 intégrales, 146 tirages de luxe et 21 compilations (contre 333, 154 et 30 l’an passé) ont déferlé dans les librairies : notamment 366 (soit 34,24% des rééditions de l’année) proposées entre octobre et décembre, pour coïncider avec la période des cadeaux de Noël). Certaines de ces nouvelles éditions atteignent même des tirages impressionnants : 100 000 ex. pour la nouvelle présentation d’Astérix chez les Bretons chez Hachette, à l’occasion de la sortie du film Astérix & Obélix au service de Sa Majesté, 80 000 ex. pour la compilation de Tom-Tom et Nana chez Bayard, 55 000 ex. pour celle des gags de Gaston Lagaffe chez Marsu Productions (et 50 000 ex. pour celle chez Dupuis) ou, encore, 40 000 ex. pour la nouvelle édition de chacun des 6 premiers tomes des Sisters chez Bamboo…
À l’exemple des éditions Dupuis (qui se sont imposées comme la référence en la matière en étant, depuis, largement imitées), une méritoire démarche patrimoniale accompagne cette revalorisation des catalogues. Ainsi, les nouvelles éditions d’œuvres anciennes sont-elles agrémentées par un dossier documenté les replaçant dans leur contexte et par de nombreux bonus. La tendance gagne même les éditeurs traducteurs de séries d’origine étrangère puisque l’on dénombre aussi 152 rééditions de mangas (126 en 2011), 104 de comics (65 en 2011), 20 de fumetti d’Italie (31 en 2011), 6 de manhwas (7 en 2011), 5 d’historietas d’Argentine (9 en 2011)…
Par ailleurs, 197 titres datant de plus de vingt ans (soit 4,79% des nouveautés, contre 221 et 5,75% en 2011) ont été édités en album pour la première fois. Souvent tirés à un nombre réduit d’exemplaires, ces récits seraient certainement tombés dans l’oubli sans la passion et la nostalgie des responsables de certaines maisons d’éditions bien établies (comme Actes Sud/L’An 2, Akiléos, AUDIE/Fluide Glacial, Clair de Lune, Cornélius, Dargaud, Delcourt, Dupuis, Glénat, Jungle !, Kana, Michel Lafon, Panini, Soleil, Urban Comics) qui réalisent un nécessaire travail de transmission mais, surtout, de structures se diffusant souvent par leurs propres moyens : à l’instar de L’Âge d’or, des Amis de Jacobs, de Le Rallic ou de René Giffey, de l’ANAF, Ananké, Ange, L’Àpart, Artège, BDartist(e), BD Lire, BD Must, Bleu et Noir, Bonnet bleu, Le Chant des muses, Club des Amis de Trubert, Le Coffre à BD, Connaître Chott, Le Cousin Francis, Delirium, De Varly, L’Élan, Fantasmak, Pascal Galodé (Grand West), Le Gang, Hibou, Hollywood Comics, Images innées, Noir Dessin, Pan Pan, Regards, Les Rêveurs, Sangam, Taupinambour, Triomphe, La Vache qui médite et Wombat.
Notons que ces auteurs et ces œuvres sont rarement mis en avant dans les 74 essais sur le 9e art de 2012 (84 en 2011), dont 48 monographies et 17 guides pratiques, et que rares sont les sites qui valorisent cette facette patrimoniale, à l’instar de bdoubliees.com, bdtresor.net, bdzoom.com, citebd.org, coconino-world.com, conchita.over-blog.net, lectraymond.forumactif.com, pimpf.org…
D’ailleurs, ces bonnes volontés n’ont pas hésité à entretenir la mémoire des 12 personnalités du monde de la bande dessinée francophone dont nous avons appris le décès en 2012 :
– Bertrand Charlas, membre de l’atelier Chott et dessinateur de la série Robin des Bois ;
– Thierry Crépin, historien spécialiste de la moralisation de la presse enfantine ;
– André Gaudelette, dessinateur de P’tit Joc dans Vaillant et de Judy dans Djin ;
– Alain Deschamps, scénariste de Bran Ruz dans (À Suivre) ;
– Jean Giraud, alias Moebius, génial dessinateur de Blueberry, de L’Incal et de tant d’autres chefs-d’œuvre ;
– Philippe Durant, alias Phil, dessinateur de presse ayant collaboré à Spirou et au Matin ;
– André Leborgne, organisateur de salons, éditeur et créateur du Prix Saint-Michel en Belgique ;
– Eddy Paape, dessinateur de Luc Orient, Marc Dacier et des Belles Histoires de l’Oncle Paul ;
– Pierre-Alain Bertola, adaptateur en bande dessinée du roman de John Steinbeck Des souris et des hommes ;
– Pat Mallet, dessinateur humoristique à Spirou et Pilote connu pour ses drolatiques petits hommes verts ;
– Bruno Le Floc’h, dessinateur de beaux albums décrivant sa Bretagne natale chez Delcourt ou Dargaud ;
– Georges Chaulet, romancier pour la jeunesse et scénariste des séries Les 4 As et Fantômette.
Au-delà des disparitions ou de l’abandon par leurs créateurs, les héros, eux, semblent heureusement éternels. En cette année des 60 ans de Lefranc, des 50 ans d’Iznogoud et de La Ribambelle, des 40 ans des Tuniques bleues et du Scrameustache ou des 30 ans de Sœur Marie-Thérèse, des Chemins de Malefosse, des Pionniers du Nouveau Monde, de Jérôme K. Jérôme Bloche et des Cités obscures, mais aussi des 20 ans de Léo Loden, Mélusine, L’Élève Ducobu et Titeuf ou des 10 ans de Game Over (bandes dessinées qui se poursuivent toujours), 29 séries populaires ont été poursuivies en 2012 : sous leur forme originale (Blake et Mortimer, Alix, Lefranc, Jhen, XIII, Sylvain et Sylvette, La Ribambelle, Tanguy et Laverdure, Michel Vaillant, Bob Morane, Les Schtroumpfs, Cubitus, Vasco, Lucky Luke, Iznogoud, Aquablue, Les Pieds nickelés, Le Marsupilami, Marion Duval…) ou sous celle de spin-off destinés, éventuellement, à un autre lectorat (Alix Senator, La Jeunesse de Blueberry, XIII Mystery, Les Mondes de Thorgal, Bidule, L’Univers des Schtroumpfs, L’Instit Latouche, Neige Fondation, La Guerre des Sambre, Gastoon, Légendes de Troy…) ; quand ce ne sont pas les créateurs du 9e art, eux-mêmes, qui deviennent les héros de leurs aventures comme Jijé, André Franquin et Morris dans Gringos Locos, Edgar-P. Jacobs dans La Marque Jacobs, ou Hergé dans Georges & Tchang.
En 2012, on trouve en kiosques, au niveau de la bande dessinée, 77 revues spécialisées et 10 séries de fascicules.
La bande dessinée est toujours très présente dans les magazines généralistes ou spécialisés dans d’autres domaines : en 2012, 456 titres y ont été proposés en avant-première (soit 11,1% des nouveautés, contre 481 et 12,55% en 2011), notamment grâce à la filiale Mediatoon du groupe Média-Participations, leader en ce domaine. Par ailleurs, comme l’an passé, certains éditeurs de magazines, tels Hachette, Prisma, Cobra, Atlas ou Altaya, proposent, en kiosques, des séries de fascicules surfant sur l’univers des héros de bandes dessinées ou, carrément, des albums de bande dessinée accompagnés d’un rédactionnel didactique souvent alléchant sur Astérix, Blake et Mortimer, Buck Danny, Lucky Luke, Tintin… ou, plus récemment sur Alix, Bob Morane, Rahan, Ric Hochet et Thorgal.
D’autre part, il existe encore 77 périodiques diffusés dans le réseau kiosque qui publient, majoritairement, de la bande dessinée (ils étaient 76 en 2011), dont 16 (comme en 2011) proposant surtout des créations européennes : Le Journal de Mickey (tirage OJD : 166 783 ex.) et les autres revues éditées par Disney Hachette Presse (Super Picsou Géant, 220 692 ex. ; Mickey Parade Géant, 158 033 ex. ; Picsou Magazine, 163 238 ex. ; Disney Girl, 90 000 ex. ; Winnie, 77 124 ex. ; Bambi, 25 041 ex., etc.), Fluide glacial et Fluide.G (avec 110 000 et 80 000 ex. au n°), Spirou (93 000 ex.), L’Écho des Savanes (80 000 ex.), L’Immanquable (25 000 ex.), Psikopat (25 500 ex.), Lanfeust Mag (21 800 ex.), Tchô ! (20 000 ex.) ou le pocket Captain Swing !. Comme l’an passé, dans la plupart des cas, les tirages baissent sensiblement alors que les ventes restent stables, notamment chez Spirou : en effet, ces revues augmentent, pour la plupart, leur nombre d’abonnés. Pourtant, le contexte économique et la situation difficile de la presse papier sur le territoire francophone européen limitent les tentatives audacieuses en ce domaine ; preuve en est l’aventure du magazine Strip 9 qui s’est arrêtée après 1 seul numéro.
Bien évidemment, ce sont encore les journaux publiant, principalement, des bandes issues de licences qui sont les plus rentables : 88,52% d’entre eux appartiennent au groupe Panini France. Par ailleurs, il faut savoir que cette filiale du groupe italien publie aussi d’autres magazines qui ne contiennent que quelques pages de bandes dessinées adaptant, le plus souvent, des dessins animés célèbres ! Cependant, 17 d’entre eux (il y en avait 14 en 2011), tirés entre 30 000 et 60 000 ex. au n°, en sont majoritairement composés, à l’instar de Cheval Girl, Scooby-Doo !, Tom & Jerry ou Winx Club et leurs suppléments, mais aussi Beyblade, Bugs Bunny, Poppixies, Littlest Petshop, Monster High, My Little Pony, Pokémon, Power Rangers, Transformers et Xenox !
Panini est aussi l’éditeur de 37 des 44 fascicules avec des comics américains de super-héros (il y en avait 39 en 2011) issus du label américain Marvel (Avengers, Deadpool, Fear Itself, Hulk, Spider-Man, Thor, Wolverine, X-Men…) et tirés entre 20 000 et 30 000 ex. Son nouveau rival Urban Comics, lui, en a édité 5 en provenance du concurrent yankee DC Comics (Batman Saga, Batman Showcase, DC Saga, Flashpoint et Green Lantern Saga), tirés à 19 000 ex. Les 2 autres comics traduits en kiosques (Star Wars La Saga en BD avec 20 000 ex. et Star Wars The Clone Wars avec 15 000 ex.) sont édités, quant à eux, par Delcourt.
Du côté des mangas, des périodiques aux tirages souvent supérieurs parlent surtout des dessins animés, de la culture et des jeux provenant du Japon ; à l’instar d’AnimeLand (ou son nouveau magazine X-tra Kids, réservé aux 6-8 ans), Coyote Mag, Japan Life Style, Japan Mag (ex-Made in Japan), Manga Kids, Maniak !…
Par ailleurs, 17 magazines ou fanzines publiant des bandes dessinées sont diffusés partiellement en librairies, alors qu’ils n’étaient que 14 l’an passé : Alimentation générale, Arbitraire, Be x Boy Magazine, Big Mother, Dame Pipi Comix, Dmpp, Dopututto, Jade, Juke Box, Modern Spleen, Nyctalope, Schnock, Slip, Turkey Comix et les fascicules nostalgiques de J.F.C. Éditions (L’Âge merveilleux…) ou d’Organic Comix (Étranges Aventures). Pour la plupart, les tirages sont anecdotiques, à l’exception du promotionnel Bamboo Mag distribué gratuitement à 40 000 ex.
Sur le territoire francophone européen, 1 951 auteurs ont publié au moins un album en 2012. Selon les critères retenus depuis 10 ans, on peut estimer que 1 510 auteurs réussissent encore à vivre, souvent difficilement, de la création de bande dessinée.
Il y a encore quelques années, les auteurs européens de bandes dessinées francophones qui avaient, au moins, 3 albums disponibles au catalogue d’éditeurs bien diffusés et un contrat en cours ou un emploi régulier dans la presse ou l’illustration, pouvait espérer vivre, plus ou moins bien, de leur métier. En se basant sur ces mêmes critères qui ne sont, hélas, plus du tout suffisants, il y en aurait, aujourd’hui, 1 510 (1 487 l’an passé) : alors que les témoignages démontrant que ce métier est en voie de paupérisation se multiplient. À noter que 188 de ces 1 510 auteurs sont des femmes, soit 12,45% (183 et 12,3% en 2011), et que 280 sont scénaristes sans être également dessinateurs, soit 18,54% (273 et 18,36% en 2011). À ce nombre, il faut ajouter 191 coloristes ayant travaillé sur au moins 2 albums dans l’année (169 en 2011), dont 93 sont des femmes. Tous, ils continuent à se mobiliser pour valoriser leur métier et obtenir un vrai statut d’auteur, même s’ils doivent accepter, bien souvent, d’autres travaux dans divers domaines pour survivre ; les places étant de plus en plus rares et mal rétribuées. Pourtant, il y a quand même eu 1 951 créateurs francophones d’Europe qui ont publié, au moins, un album de bandes dessinées en 2012 (ils étaient 1 749 en 2011).
Par ailleurs, la création est aussi toujours bien représentée sur Internet, notamment grâce aux blogs BD où des auteurs de bandes dessinées, professionnels ou amateurs, proposent des billets publiés ante-chronologiquement en ligne. Ils sont plus ou moins graphiquement développés et associent, la plupart du temps, commentaires et dessins. Aucune statistique officielle n’est disponible sur leur nombre en France, d’autant plus que la plupart des auteurs investissent dans un hébergement privé avec des plateformes de blogs internationales telles que Dotclear et WordPress. Au niveau des deux principaux hébergeurs de blogs, Overblog (appartenant au groupe Ebuzzing) ne communique plus sur le nombre de blogs dans la catégorie bande dessinée, mais chez Canal Blog, leur nombre a encore augmenté : de 5 454 l’année dernière, ils sont passés à 6 252. Il faut rappeler que ces chiffres sont surestimés car ils englobent les blogs de critiques et d’événementiels autour du 9e art. On peut néanmoins connaître ceux qui ont le plus de succès en termes de consultation par mois et de nombre de liens pointant vers eux. D’après le classement Ebuzzing, les trois premiers blogs BD, en novembre 2012, étaient Tu mourras moins bête de Marion Montaigne, Diglee et le blog communautaire 30 jours de BD (actuellement en reconstruction). Ebuzzing inclut, cette année, les partages des publications sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter. Il faut noter que les deux premiers blogs, plus celui de Martin Vidberg (L’Actu en patate qui arrive en sixième position), y sont très actifs. Le Festiblog a fêté sa huitième édition en septembre 2012 et plus de 200 auteurs y ont déjà dédicacé depuis sa création, en 2005 ; ce qui démontre la bonne santé de la communauté. Le blog BD est donc bien devenu un genre à part entière dans le monde de la bande dessinée, emmené par ses auteurs phares, ses prix dans les festivals internationaux et ses 83 publications papier.
On recense, en 2012, 11 revues papier et 34 sites spécialisés dans l’information et la critique de bande dessinée.
Si l’on compte moins d’ouvrages dissertant sur le 9e art (74 au lieu de 84 en 2011), les amateurs de bande dessinée restent pourtant très demandeurs d’informations sur leurs lectures favorites et leurs acteurs (dessinateurs, scénaristes, éditeurs…). Par exemple, dans le réseau presse, 3 magazines continuent de commenter régulièrement l’actualité du 9e art : il s’agit de Comic Box, bimestriel édité par Panini qui traite exclusivement des comics (tirage de 25 000 ex. au n°) et des plus généralistes mensuels [dBD] et CaseMate aux tirages déclarés, respectivement, à 22 000 ex. et 30 000 ex. au numéro. Tandis, qu’en librairie, on peut aussi trouver 8 revues de bédéphilie (7 en 2011) : L’Avis des Bulles (qui a renouvelé et modernisé sa maquette), Bananas, La Crypte tonique, Gabriel, Hop !, L’Indispensable, On a marché sur la bulle (doté d’un hors-série Tonnerre de Bulles) et Papiers nickelés. D’autre part, il ne faut pas oublier les revues gratuites, organes d’éditeurs (avec de nombreuses prépublications) ou de librairies spécialisées (avec des conseils de lecture), à l’instar du Magazine Album et de Canal BD Magazine tirés à 75 000 ex. et leur Manga Mag à 42 000 ex. Ceci étant dit, c’est toujours le magazine informatif Zoo, également diffusé gratuitement dans les Virgin, Fnac, Leclerc, Cultura et les festivals BD, qui reste le leader en ce domaine, avec 98 719 ex. (chiffres OJD) par mois !
Par ailleurs, Internet est un lieu privilégié où les amateurs peuvent aussi se rendre compte de la diversité de la production à travers les chroniques d’albums, interviews ou avis d’internautes sur les forums et les sites participatifs. Les réseaux sociaux sont surtout utilisés pour étendre la visibilité des informations et, parfois, recueillir les réactions des visiteurs. Leur utilisation n’est pas toujours optimale, mais de nombreux sites ont des références sur les leaders que sont Twitter et Facebook. Si la plupart des rédactions utilisent principalement le texte pour s’exprimer, quelques-unes commencent à proposer des modules sous forme audio ou vidéo qui commencent à se faire une place auprès des internautes, malgré des moyens encore limités.
Le secteur de l’information sur la BD sur le web reste, en effet, une activité essentiellement bénévole ; même si elle est souvent assurée par des professionnels bien connus. Alors que le nombre total de sites généralistes consacrés au 9e art reste stable (34), aucun modèle économique pérenne ne semble avoir été trouvé pour permettre aux animateurs de vivre de leur travail ; même si la création de bdsphere.fr permet d’explorer les possibilités d’une revue numérique proposée sur abonnement. Cependant, on notera l’arrêt de bede-news.com après moins de deux ans d’existence et le transfert de bedeo.fr sous le label avoir-alire.com qui allie bande dessinée et cinéma.
En croisant les données communiquées par les responsables des sites et les chiffres de fréquentation que l’on trouve sur alexa.com, on s’aperçoit que bdgest.com/bedetheque.com, avec plus d’1 million de visites mensuelles, conserve sa place de premier site BD (essentiellement grâce à son immense base de données d’albums) et que les sites d’information ou de chroniques les plus réputés sont actuabd.com, auracan.com, bdzoom.com, bodoi.info, du9.org, planetebd.com et sceneario.com ; par ailleurs, il faut noter l’existence de sites institutionnels (citebd.org par exemple) et de sites communautaires (comme bd-sanctuary.com ou bdmaniac.fr) qui sont aussi très consultés, et que, sans atteindre les chiffres de bdgest.com/bedetheque.com, bdtheque.com, coinbd.com, opalebd.com ou bdoubliees.com sont aussi très visités en tant que références encyclopédiques. En terme de fréquentation, les principaux sites consacrés aux mangas (animeland.com, animint.com, manga-news.com, manga-sanctuary.com, manta-web.com, total-manga.com…) se retrouvent souvent bien au-dessus des sites BD généralistes. Cela est sans doute lié à leur lectorat plus jeune et plus sensible aux technologies numériques. Bien que moins nombreux, plusieurs sites spécialisés dans les comics (buzzcomics.net, comicbox.com, comicplace.net, cinecomics.fr…) drainent également des centaines de milliers de visiteurs chaque mois.
L’émergence des bandes dessinées numériques offre de nouvelles pistes, mais leurs développements sont encore très hésitants !
Par analogie avec le livre numérique, la BD numérique pourrait se définir comme une bande dessinée éditée et diffusée sous forme numérique et destinée à être lue sur un écran. Dès lors, il faut distinguer la diffusion de la BD numérisée ou dématérialisée et la création de BD digitale. En 2012, la diffusion du 9e art sous forme digitale reste encore marginale. Selon une étude du MOTif (observatoire du livre et de l’écrit en Ile-de-France), 90% des lecteurs de bandes dessinées préféreraient le papier au numérique. Mais le piratage concerne 10 000 titres facilement accessibles, selon leur étude EbookZ 3 de mars.
L’offre légale progresse moins vite que l’offre pirate avec à peine 6 000 albums disponibles. Elle résulte des plateformes d’achat mondiales Amazon, Google Play et l’Apple Store, de la grande distribution (Fnac, Virgin, Cultura…), de quelques librairies généralistes (Gibert Jeunes, Dialogues, Chapitre, Furet du Nord…) et des magasins en ligne comme leslibraires.fr, librairie.immateriel.fr ou epagine.fr, mais surtout de quelques diffuseurs spécialisés. Du côté de l’offre payante, Izneo regroupe désormais 19 maisons d’édition de bandes dessinées : Les Humanoïdes associés, Denoël Graphic, Futuropolis, Gallimard, Huginn & Muninn et Ici Même ayant rejoint ce leader en 2012. Izneo propose désormais un catalogue de 3 300 titres en entier, en direct ou via d’autres intervenants. Hachette Livre, diffuseur de Pika, Hachette et Mad Fabrik, a été rejoint par les groupes Glénat et Delcourt en début d’année et s’attaque aux défis de la transposition de ce catalogue BD en numérique et de sa distribution aux libraires indépendants et aux plateformes validées par les éditeurs, par l’intermédiaire de son ex-filiale Numilog (200 titres disponibles seulement). Le challenger Ave!comics a vu sa maison mère Aquafadas rachetée, en octobre, par le canadien Kobo dont la liseuse est commercialisée par la Fnac. Par ailleurs, digiBiDi continue de grossir son catalogue avec près de 4 000 titres proposés à la location et en preview. Enfin, l’application bdBuzz (plus de 100 000 chargements) prend de l’ampleur avec 3 200 titres à télécharger.
Lancée par le site d’hébergement de BD en ligne Webcomics (1 500 albums), lequel cherche des mécènes, l’offre de lecture gratuite, rémunérée par la publicité, se développe à l’instar de la plate-forme communautaire Youboox (50 titres) et surtout le portail spécialisé Delitoon (115 titres), conçu sur le modèle du Webtoon coréen.
Après plusieurs tentatives individuelles et collectives comme le feuilleton Les Autres Gens ou 8comix.fr qui se sont arrêtés en 2012 et la faillite de l’éditeur numérique Manolosanctis, la création spécifique de bandes dessinées pour le support numérique – hors blogs personnels – cherche de nouvelles voies comme l’application interactive Plumzi (utilisée pour le dernier Lucky Luke), le bonus de réalité augmenté avec Dassault Systems pour La Douce de François Schuiten, la fresque interactive et sonore pour L’Ouverture du Louvre à Lens de Will Argunas ou encore le site webellipses.com proposant une bande dessinée accessible uniquement par géolocalisation, à Metz. L’édition participative (crowfunding) se confirme avec Sandawe (28 projets, 500 000 € collectés), My Major Company (17 – 172 000 €) et Ulule (14 – 26 000 €) qui associent les internautes au lancement d’albums papier.
Avec le démarrage, en janvier, du magazine jeunesse de BD Numériques Amusantes et Gratuites (BD NAG), sous l’impulsion de Pierre-Yves Gabrion, et d’un hebdomadaire numérique de BD humoristiques, Mauvais Esprit, animé par Boris Mirroir et James, en octobre, l’une des tendances 2012 est la création de magazines numériques cherchant à dupliquer, sur le digital, l’essor des bandes dessinées de l’après-guerre par les périodiques. Franck Bourgeron, Olivier Jouvray, Kris, Virginie Ollagnier et Sylvain Ricard élaborent La Revue dessinée, un trimestriel numérique d’actualités en bande dessinée. Brüno, Gwen de Bonneval, Cyril Pedrosa, Hervé Tanquerelle et Fabien Vehlmann préparent Professeur Cyclope, un magazine numérique de fictions en bandes dessinées… Les modèles économiques se construisent grâce à un contenu partiellement payant, par des abonnements ou, encore, par des financements publicitaires.
Cependant, de nombreux obstacles et questions n’ont pas été résolus. Le marché attendait des liseuses couleurs plus abordables de meilleure définition ou dimension, une offre élargie, une clarification des normes avec transportabilité des formats numériques et un prix attractif, que les opérateurs souhaitent unique.
Cherchant à lutter contre le piratage, notamment des mangas, et confrontés à leur autoconcurrence avec le livre papier, les éditeurs veulent conserver leur place et les auteurs défendre leurs droits pour une rémunération plus équilibrée. Les négociations s’enlisent entre le SNE (syndicat des éditeurs) et le SNAC (syndicat des auteurs), plusieurs écueils polluant le débat, comme la numérisation d’office des œuvres indisponibles et la signature d’un contrat séparé d’édition numérique. Au final, 2012 aura permis de poursuivre de nouvelles pistes et d’entamer un dialogue entre les acteurs, sans pour autant dégager une vraie tendance, ni aboutir à des accords. On s’attend, dans un futur immédiat, à une réflexion du droit d’auteur européen adapté à l’évolution numérique, à des décisions du Ministère de la Culture ou au lancement de deux nouveaux supports de BD numériques et de l’espace E.Leclerc.
Toute la filière du livre se transforme donc, afin de réagir au mieux à la prépondérance imminente des nouvelles technologies et des soubresauts de l’économie. Cela génère, quelquefois, confusion et incompréhension entre les différents acteurs du secteur de la bande dessinée francophone ; d’où un contexte encore nébuleux qui permet, aux esprits réducteurs, d’agiter les habituels démons de l’édition : crise, surproduction, concentration et inflation
Les œuvres du 9e art sont, cette année encore, un réservoir conséquent pour les autres médias ; et inversement…
Si les développements numériques ne donnent pas encore complètement satisfaction, les principales têtes d’affiche de la bande dessinée francophone continuent de s’imposer auprès des autres médias, et particulièrement au cinéma : notamment, cette année, avec les adaptations du Marsupilami (créé par André Franquin et repris par Batem et Stéphane Colman) par Alain Chabat, de L’Élève Ducobu de Zidrou et Godi par Philippe de Chauveron (pour la deuxième fois avec Les Vacances de Ducobu) et d’Astérix, le célèbre petit gaulois créé par René Goscinny et Albert Uderzo, par Laurent Tirard (Astérix & Obélix au service de Sa Majesté) qui ont tous été de gros succès populaires et familiaux ; sans oublier celle de Couleur de peau : Miel, le roman graphique autobiographique de Jung, par Laurent Boileau et l’auteur lui-même !
Évidemment, l’exploitation, en dessins animés, des héros BD bat son plein, qu’ils soient destinés principalement à la jeunesse (avec Ariol, Les Blagues de Toto, Lucky Luke, Le Marsupilami, Nini Patalo, Sam Sam, Samson & Néon, Les Schtroumpfs, Titeuf, Tony & Alberto, Yakari…) ou à un public plus adulte avec la série animée Silex and the City de Jul. Et l’inverse est également vrai puisqu’on ne compte plus le nombre de vedettes de la télévision mis en cases par des auteurs francophones, de l’émission humoristique Fais pas ci, fais pas ça par Gilles Dal et Philippe Bercovici au dessin animé La Famille Pirate par son propre créateur graphique (Fabrice Parme) : un va-et-vient continuel qui, bien entendu, stimule le commerce des albums de bandes dessinées ou autres dérivés, et que l’on constate aussi au niveau de l’adaptation de 136 classiques de la littérature (soit 3,31% des nouveautés, contre 189 et 4,92% en 2011) !
Avec 489 festivals, salons ou bourses organisés sur le territoire francophone européen en 2012, les événements autour de la BD continuent de se développer, particulièrement en France.
Cette vitalité s’est toutefois ralentie par rapport à l’an passé où l’on dénombrait 455 manifestations (toujours selon l’indicateur du site opalebd.com) : les chiffres ne variant qu’en France, pays qui concentre 90% des rendez-vous. La part des événements de moins de 3 ans baisse à 26,2% contre 32,3% en 2011. Les créations, à l’instar d’Écono’Mer à Brest, ou le retour du Festival BD du groupe Delcourt à Paris, sont au nombre de 47, contre 61 en 2011. Malgré l’encombrement, le calendrier se polarise sur les deuxième et dernier trimestres avec près des 2/3 des manifestations, dont 73 en octobre et 63 en mai. Seules 29% des manifestations exigent des droits d’entrée modérés (3 € en moyenne et jusqu’à 14 € la journée). Une cinquantaine de lieux continue de rassembler l’essentiel des visiteurs que la plupart des organisateurs relèvent en hausse, à l’instar d’Aix-en-Provence pour Les Rencontres du 9e art (58 000 contre 54 000), le festival d’Amiens (33 000) ou le Festival BD-Fil de Lausanne (32 000 contre 28 000), et surtout le Comic Con et Japan Expo de Villepinte qui, avec 208 000 entrées (contre 192 000), talonne désormais le chiffre officiellement stable de l’incontournable Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême (215 000). La fréquentation reste globalement la même au Quai des Bulles de Saint-Malo (32 000) et au bd BOUM de Blois (24 000), ainsi que dans les salons du livre dont les principaux sont toujours Paris (190 000 entrées), Nancy (170 000, contre 140 000 en 2011), Montreuil pour la jeunesse (160 000, contre 155 000), Genève (92 000), Brive-la-Gaillarde (80 000), Bruxelles (70 000) et Limoges (entre 50 et 60 000). L’ensemble de ces événements se différencie par la durée, les formats ou encore les genres proposés – de la bande dessinée franco-belge aux mangas et aux comics, en passant par l’alternatif et les blogs, l’art contemporain et la jeunesse. Notons cependant que les festivals strictement mangas ou comics sont stables et très minoritaires. Par ailleurs, les principales tendances de l’année consistent dans le croisement des genres, dans la spécialisation (à l’instar de BD et Franc-maçonnerie à Épinal ou le Salon des Ouvrages sur la Bande Dessinée à Paris) et dans une part croissante de la bande dessinée dans une centaine de salons du livre.
C’est à l’occasion de ces événements que les 78 membres de l’ACBD, l’Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée (voir le site acbd.fr), se réunissent, notamment au Salon du Livre de Paris et au cours du festival bd BOUM de Blois. L’ACBD honore des albums remarquables parus dans l’année : le Prix Asie-ACBD 2012 (Une vie dans les marges de Yoshihiro Tatsumi aux éditions Cornélius) remis à Japan Expo et le Grand Prix de la Critique 2013 (L’Enfance d’Alan d’Emmanuel Guibert à L’Association) remis à la Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image pendant le Festival d’Angoulême. Prix que la Ministre de la culture française, Aurélie Filippetti, a salué en publiant un communiqué de presse pour féliciter le lauréat : après l’entrée du 9e art au catalogue de respectables revues comme Lire et Philosophie Magazine qui lui ont consacré des numéros spéciaux en 2012 ou de prestigieux éditeurs d’art comme Citadelles & Mazenod, son triomphe dans les salles de vente les plus huppées des capitales francophones et le fait que les grands musées nationaux l’accueillent désormais sans rechigner, ce geste est un signe de plus pour confirmer que la bande dessinée a encore gagné en légitimité et qu’elle est, désormais, bien ancrée dans les pratiques culturelles.
Gilles RATIER
Secrétaire général de l’ACBD
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CRÉDITS ET REMERCIEMENTSNB : la moindre utilisation de ces données ou d’une partie d’entre elles doit être obligatoirement suivie de la mention : © Gilles Ratier, secrétaire général de l’ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée) sachant que Manuel F. Picaud s’est occupé de l’édition numérique et des festivals invitant des auteurs BD, Marc Carlot des sites Internet consacrés au 9e art, Raphaëlla Barré des blogs bandes dessinées et Ariel Herbez de lister les parutions suisses.
Gilles Ratier remercie ses amis de l’ACBD : Marc Carlot, Patrick Gaumer, Antoine Guillot, Brieg F. Haslé, Ariel Herbez, Jean-Christophe Ogier, Fabrice Piault, Manuel F. Picaud, Denis Plagne et Laurent Turpin.Merci aux attachés de presse ou responsables éditoriaux qui nous ont communiqué les chiffres des tirages : Ahmed Agne, Valérie Aubin, Maud Beaumont, Pol Beauté, Didier Borg, Françoise Bosquet, Frédéric Bosser, Clémence Brugallé, Élise Brun, Dominique Burdot, Sophie Caïola, Anne Caisson, Frédéric Cambourakis, François Capuron, Paul Carali, Bénédicte Cluzel, Évelyne Colas, Benjamine des Courtils, Sébastien Dallain, François Defaye, Kathy Degreef, Jean Depelley, Sandrine Dutordoir, Sylvie Duvelleroy, Daniel Ewenczyk, Marie Fabbri, Guillaume Feliu, Bruno Fermier, Jacky Goupil, Marlène Hatchi-Barsotti, Philippe Hillaire, Alex Ignace, Aurore Illien, Michel Jans, Dimitri Kennes, Emmanuelle Klein, Sabrina Lamotte, Louis Lauliac, Jérôme Leclercq, Bruno Lemaitre, Christine Leriche, Wandrille Leroy, Caroline Longuet, Xavier Löwenthal, Benoît Maurer, Josselin Moneyron, Olivier Moreira, Thierry Mornet, Laurent Muller, Frédéric Niffle, Alexandre Paringaux, Laure Peduzzi, Emmanuelle Philippon, Mathilde Pyskir, Mathieu Poulhalec, Lise Prudhomme, Diane Rayer, Estelle Revelant, Florence Richaud, Louise Rossignol, Sophie de Saint-Blanquat, Myriam Simonneaux, Olivier Sulpice, François Tallec, Bruno Théol, Olivier Thierry, Solène Ubino, Valentine Véron, Frédéric Vidal, Marie-Thérèse Vieira et Hélène Werlé ; ainsi qu’à Didier Pasamonik.
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